On lit régulièrement que le Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Afrique est en croissance constante avec des pourcentages à faire pâlir d’envie les pays européens. On rapproche ce pourcentage de croissance de celui de la Russie, du Brésil, de l’Inde, de la Chine ou d’autres.
Ce rapprochement n’a pas lieu d’être, La Russie, Le Brésil, l’Inde et la Chine sont des pays, l’Afrique, non. D’une part l’Union Africaine (UA) représente cinquante quatre pays et d’autre part ces chiffres étant macro-économiques masquent les réalités du terrain où les répercussions de ces bonnes statistiques sur la vie quotidienne des populations des cinquante quatre pays ne sont absolument pas perceptibles. Et on connait pourtant la bonne vieille théorie, éculée, du ruissellement : quand une catégorie sociale s’enrichit, tôt ou tard il y a des retombées bénéfiques pour les plus pauvres. En Afrique ce n’est pas pour demain.
Regardons la réalité.
- Donne-moi l’argent !
J’ouvre les deux mains en signe d’impuissance.
- Donne-moi l’argent !
- Ya pas d’argent !
- Donne-moi 500 !
Même geste de ma part.
Le jeune pose alors son index sur ma montre en ayant l’air de dire :
- Et ça, ce n’est pas de l’argent ?
Je le regarde interloqué :
- Tu veux ma montre ?
- …
- Non, tu ne l’auras pas.
- Donne-moi 500 !
500 francs congolais c’est 45 centimes d’euro. Je ne les donne pas.
Si le les avais donné, demain j’aurais tous les jeunes et les moins jeunes du quartier – mais ce n’est pas la vraie raison - qui viendront me voir en disant :
- Donne moi 500 !
- Y a d’argent !
- Hier tu as donné et aujourd’hui tu ne veux pas donner ? Pourquoi ? Tu es méchant.
Je ne suis pas sûr que les donner soit une bonne idée, encore moins une bonne action. Les donner est entretenir un système en définitive malsain en maintenant ce que Octave Manoni nomme « le complexe de dépendance », à notre petite échelle bien sûr. Les bonnes âmes vont dire : tout de même 45 centimes ce n’est pas beaucoup ! le complexe de dépendance il s’en moque complètement, et il n’a pas envie d’attendre les effets du ruissellement cet enfant ! Je les entends d’ici s’écrier : Moi je les donnerais ! Le visiteur de passage donnera convaincu d’avoir un grand cœur. Il se trompe en se débarrassant à bon compte du quémandeur et, se sentira satisfait de son acte. C’est une erreur.
En accédant à sa demande l’enfant se dit : pourquoi aller à l’école, travailler, alors que tôt ou tard on croise un blanc au grand cœur qui donnera de l’argent ! C’est quand même plus facile et moins fatiguant...
Au même titre que la préservation de notre environnement passe par nos petits gestes au quotidien –trier nos déchets, apporter à la pharmacie les médicaments périmés, faire attention à sa consommation d’eau, etc…- la modification de l’état d’esprit de nos amis – état d’esprit dont nous sommes responsables ne nous y trompons pas - passe par la modification de notre propre comportement à leur égard à quelque échelle qu’elle se situe. Et il est beaucoup plus difficile de ne pas donner que donner.
L’Afrique est pauvre alors qu’elle pourrait être riche, qu’elle est potentiellement riche. Seulement voilà, de nombreux facteurs endogènes et exogènes dont nous reparlerons, font qu’elle ne l’est pas et l’aider à devenir prospère ne se situe certainement pas en premier lieu dans cette illusion de fausse bonne action pré-citée.
Mais comme rien n’est jamais simple dans la vie, quand je vais acheter un paquet de cigarettes il y a parfois autour de moi deux ou trois enfants aux yeux tout rond, au regard rieur qui ne demandent absolument rien. C’est à ce moment qu’il m’arrive de donner un billet de cent francs…