Petite silhouette au joli sourire un peu triste tous les matins elle balaie les salles de classe, les couloirs et les bureaux de l’école. Elle vit seule avec ses deux filles, le père étant quelque part en Casamance. Quand je dis que Irène vit seule en fait c’est à l’africaine, c'est-à-dire que sous le même toit vivent sa sœur jumelle avec aussi deux fillettes et aussi un ex-mari quelque part en errance en Casamance. Il y a là un de ses frères avec sa femme et leur fille et enfin la maman imposante matrone, veuve, dont il semblerait qu’elle tienne les cordons de toutes les bourses de ce petit monde. Le week-end voit arriver un autre frère, menuisier à Dakar.
Jean-Paul, le photographe attitré de l’école n’est pas que photographe, il est aussi couturier. Comme plus je voyage plus je voyage léger quand je suis arrivé j’avais besoin d’un pantalon. Je demande donc à Jean-Paul de m’acheter un métrage de lin - la matière la plus confortable à porter en Afrique – en lui recommandant de laver plusieurs fois le tissu pour qu’il ne rétrécisse pas une fois l’habit réalisé. Je lui confie ensuite un pantalon dans lequel je me sens bien et une semaine plus tard il me rend les deux. Tout est parfait. L’affaire m’a coûté, matière et façon, 8500 fcfa soit 13 euro.
Hassan est le gardien. Le matin à 7h30 il ouvre les portes : celles des classes et celle du grand portail en fer, l’entrée. C’est à peu près son seul travail. Le reste du temps il garde. Ou alors il fait du thé. Imposant rituel qui lui prend un temps considérable. Assis sur son tapis à même le sable, inlassablement il verse son thé brûlant de sa théière à son verre et de son verre à sa théière, les deux étant distants d’une bonne trentaine de centimètres. Il faut « aérer » me dit-il. Je sais bien qu’il faut aérer, mais avec lui cela prend une dimension quasi mystique. Il faut « aérer » me répète-t-il un rien buté.
Le résultat est à la hauteur de sa technique sans faille et du temps passé, délicieux.
Pa’Jo, toujours coiffé d’un bonnet de laine, sec et aussi petit qu’un sarment de vigne est le jardinier factotum. Il ratisse la cour de sable, arrose les plantes, devrait parfois mettre de l’engrais ce qu’il fait rarement et quand il le fait c’est avec une conviction mesurée. Grand ami d’Hassan ils passent ensemble de longues heures à l’ombre, sur le tapis, buvant du thé.
Les autres ce sont Modou, Aliou, Benédicte et Etienne les chauffeurs des cars de l’Institution. Ils sont robustes les gaillards et il faut l’être pour piloter leurs gros engins dans les rues de sable de Saly et des alentours.
Françoise, Margot, Iphigénie, Monique quatre des six cuisinières qui préparent quelques 220 repas de midi pour les très bruyants enfants inscrits à la cantine. Je ne sais pas si vous avez déjà déjeuné à l’intérieur d’un tambour au cours d’une fanfare militaire (ce qui ne serait pas courant) mais on doit avoir les tympans aussi brisés que de prendre son repas à la cantine de l’Institution René Merceron.
Demain matin, petite silhouette au joli sourire un peu triste Irène va venir balayer les salles de classe, les couloirs et les bureaux de l’école.
la cour de l'école