Ils sont plusieurs dans l’air frais du matin à secouer leurs mains au balcon du lycée catholique de Kisantu quand ma voiture s’éloigne. On dirait des mains d’au revoir mais je sais que ce sont des mains d’adieu. Combien y en a-t-il ? Cinq, dix, quarante, mille, dix mille ? Je ne sais pas mais je n’en vois qu’une, la vôtre. La vôtre enfants d’Afrique au sourire lumineux, aux yeux de tendresse ? La vôtre mes frères de cœur, la main qui se tend ? La main de mes rencontres au fil des jours quand le temps parfois s’arrêtait grâce à vous ? Celle des soleils verticaux, des pluies brutales et tièdes, des lunes orange ?
Celle des violences et des guerres d’Afrique ? Je ne la prends pas.
Je ne veux retenir que les pistes rouges et les savanes et les rivières et les forêts. La main des débuts du monde, la main des justes. Celle des territoires sans fin, des horizons qui n’en finissent plus, des crépuscules indolents, des nuits brûlantes. Des prières et des poèmes, des contes et des proverbes.
Ou est-ce la vôtre ma Sœur venue du firmament des anges, légère et gracieuse, douce comme les matins de juillet dans le Bandundu, comme une promesse de retour que je ne dois pas tenir ? Cachée à l’ombre du repli d’un pilier je vous devine là plus que je ne vous vois, mystérieuse Afrique.
Est-ce bien vos beaux yeux de nuit ?