Lu pour vous dans Courrier International.
La France-à-fric défile sur les Champs-Elysées
" Un quotidien algérien raille le spectacle offert par les soldats africains qui ont défilé le 14 juillet sur les Champs-Elysées, en cette année du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies. En dépit des promesses de Nicolas Sarkozy, la Françafrique continue de faire recette... au grand bénéfice de l'Elysée avant tout. "
15.07.2010 | Djamel Bouatta | Liberté
" Le clou du traditionnel défilé français [du 14 juillet] : 13 contingents d'armées africaines battant le pavé des Champs Elysées ! Sarkozy se défend de refonder les relations de la France avec ses anciennes colonies. Quel cynisme quand on observe la double dimension de sa politique vis à vis de l'Afrique : la prédation au niveau économique avec destructions de l'environnement, et une politique migratoire qui traite les Africains en boucs émissaires. Le président français, qui est devenu es qualité en matière de provocations sur le sujet sensible de la mémoire chez les peuples qui ont subi le joug colonial français, a voulu frapper fort pour le cinquantenaire des indépendances africaines. Outre une série de commémorations et de festivités en France, confiée au chiraquien Jacques Toubon, ancien ministre de la Culture et président de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, et à un certain Hubert Falco [secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants], l'homme lige de la Françafrique, [l'Elysée a proposé] en apothéose donc ce défilé en présence de 13 chefs d'État du carré africain de la France. Si Sarkozy a pensé tourner la page des polémiques sur le "rôle positif" de la décolonisation ou sur son discours controversé [tenu en juillet 2007] à Dakar, la capitale sénégalaise, sur "l'homme africain pas suffisamment entré dans l'histoire", c'est raté. Les populations africaines ne sont pas dupes. Et puis, des armées africaines remontant les Champs Elysées n'est pas du tout exempt d'arrière-pensées.
La société civile camerounaise qui en a dénoncé l'initiative a vu probablement plus juste. D'abord, Sarkozy n'a-t-il pas tourné le dos à sa promesse électorale de mettre au placard le système de la Françafrique, sitôt installé à l'Elysée ? Il s'était rapidement débarrassé d'un secrétaire d'État [Jean-Marie Bockel] qui l'avait pris au sérieux jusqu'à distribuer des mauvais points aux membres africains de la Françafrique. Et la cellule africaine de l'Elysée de reprendre sa place, taillée par Charles de Gaulle dans les années des indépendances africaines et affinée et couvée par Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand et Chirac. Sarkozy a donc repris le livre pour y inscrire son chapitre. Relations privilégiées avec les régimes au détriment des intérêts des populations africaines et de la démocratie, pillages des richesses nationales, dans le fond comme dans la forme, quitte à cultiver la nostalgie postcoloniale. Les bidasses du Niger, Burkina Faso, Tchad, Mali, Sénégal, Congo, Gabon, Cameroun, République centrafricaine, Mauritanie, Togo, Bénin, Côte d'Ivoire et Madagascar, à l'ouverture du traditionnel défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées, voilà qui ne manque pas d'audace, pour un ex-pays colonisateur pour célébrer l'émancipation de son précarré sur lequel il a toujours mainmise.
Les oppositions des pouvoirs de ces pays n'ont pas manqué d''interpeller la France pour son offre de faire parader le jour de sa fête nationale, accessoirement journée de "la liberté dans le pays des droits de l'homme", des troupes dont certaines se sont récemment illustrées dans des coups d'État, comme au Niger ou encore à Madagascar [Andry Rajoelina, le président de la Haute autorité de transition malgache, n'avait pas été convié aux festivités]. Embarras à l'Elysée où Sarkozy croit avoir trouvé la solution. Nous rendons hommage aux pays avec lesquels la France a une histoire commune, aux peuples qui ont combattu à ses côtés durant la Seconde Guerre mondiale, pas aux régimes politiques actuels [a-t-il été avancé]. Quant à la présence des 13 chefs d'État, elle aura été, a-t-on soufflé, conditionnée à la mise sur les rails d'un processus consensuel et démocratique dans leur pays (!). Mais en réalité, ces pays africains, anciennes colonies françaises, sont toujours en proie à la présence de groupes mafieux couverts par une France-à-fric toujours présente en Afrique à travers ses rouages bien établis et ses idéologues, Guéant, Bourgi [avocat franco-libanais, présenté comme le conseiller officieux de Nicolas Sarkozy pour ce qui touche aux affaires africaines] et tout le staff de la cellule élyséenne françafrique. "