La scène se passe entre Goma et Rutshuru où nous devions nous rendre pour les nécessités du programme. Bien qu’étant en saison sèche il pleuvait des cordes et quand il pleut en cette saison en Afrique, c’est toujours brutal.
Nous avions quitté Goma en convoi, c'est-à-dire à deux voitures, ce qui est plus prudent dans cette région (quand on peut le faire et ce n’est pas toujours le cas).
Au bout d’un certain temps le chauffeur de la voiture qui était derrière nous appelle le mien en nous informant qu’ils avaient un problème mécanique et devaient s’arrêter pour une réparation. Alain leur demande s’ils ont besoin d’aide, leur réponse fût négative. Nous nous contentons donc de nous garer sur le bas coté attendant qu’ils nous rejoignent.
C’est alors que nous avons vu apparaître au loin, marchant vivement sous la pluie tiède, un groupe de quelques personnes dont une petite fille au parapluie multicolore portant dans le dos un enfant, son frère ?, son enfant ?.
La troupe arrivée à notre hauteur je sors de la voiture et me dirige lentement vers la fillette avec le sourire le plus doux et le plus rassurant qu’il m’ait été donné de produire, sans très bien savoir pourquoi je vais vers elle si ce n’est que son air en désarroi me l’a fait trouver touchante. Craintive comme un petit chat elle commence par s’enfuir pour, quelques mètres plus loin se retourner en me lançant un regard un peu moins apeuré. Je refais quelques pas vers elle, elle recourt. Je m’arrête. La pluie tombe toujours à grands traits. De longues secondes s’écoulent. Elle se retourne doucement, je m’approche pour arriver à sa hauteur, elle m’attend. Il me vient alors l’idée, une idée de Blanc, de la prendre en photo. Je lui fais comprendre par gestes. Son regard se durcit légèrement. J’accentue mon sourire mais il devient alors sans effet. Je reprends le précédent. Cela va mieux mais c’est encore insuffisant voire inutile, et là je comprends que les quelques francs congolais donnés n’auraient jamais pu l’être sans ce long et silencieux préambule qui m’a été imposé par cette enfant.
Elle continue alors son chemin hardiment, passant devant moi en me regardant, un sourire radieux éclairant ses lèvres juvéniles.
Voila, ce n’était pas grand-chose, une rencontre en terre pauvre, en terre de guerre.