Le non-dit n’a pas la même valeur selon que l’on se situe en Europe ou en Afrique.
En Europe il est une valeur négative, aux frontières du mensonge, une intériorisation vaguement déplacée. Il signifie un geste, une parole, une action à peine avouables puisque on ne les exprime pas, soit parce que on ne sait pas les décrire verbalement, avec précision, clairement, soit que l’on cherche délibérément à les cacher. La vérité, la sincérité, la franchise pour nous ne peut que passer par une extériorisation de la pensée. Ce non-dit peut aussi revêtir dans certains cas un caractère pervers.
En Afrique il en va tout autrement.
« L’une des dimensions de la spiritualité africaine passe par l’intériorisation. La valeur accordée à ce qu’est le non-dit, au secret, à l’invisible est immense » nous dit Alassane Ndaw dans « La pensée africaine. Recherches sur les fondements de la pensée négro-africaine ».Tout ce qui peut se dispenser d’une matérialisation extérieure, d’une description verbale ou écrite est d’une essence hautement supérieure. Les mots dits ou écrits sont la partie immergée de l’iceberg, l’essentiel est sous la surface des eaux. Cette attitude oblige à aller vers l’autre, à la découverte de celui qui exprime, si l’on peut dire, ce non-dit. C’est un peu le secret derrière le secret.
Sachant cela, vivre et travailler en Afrique n’est pas chose aisée mais pour qui prend le temps de se pencher sur cette dimension là de la pensée africaine c'est une recherche ô combien passionnante. Déstabilisante mais passionnante.
Et puis ce goût du secret supérieur va de pair avec d’interminables palabres, un des lieux du non-dit, ce qui n’est pas un des moindre paradoxe (pour un occidental) de ce très subtil continent.
fin de palabre à Sall (Sénégal oriental)