Le lamentable dérapage de l'héritier Guerlain m'a remis en mémoire la longue visite que j'avais faite il y a quelque temps à l'île de Gorée. Visite qui laisse des traces et visite très dure à vivre pour un blanc. La grossière sortie de Guerlain m'incite à republier ce court texte écrit au retour de Gorée.
Célébrissime lieu de stockage des nègres en attendant la grande traversée vers le Nouveau Monde dans les « caravelles-cercueils », maison de toutes les horreurs, dernière esclavagerie de l’île elle fut construite en 1776 rue Saint-Germain par les Hollandais.
Bâtisse de petite taille à un étage desservi par un escalier à double flèche, restaurée en 1990 avec l’aide de l’UNESCO et de nombreuses organisations (dont celle de Danielle Mitterrand, France Libertés) elle est classée comme l’ensemble de l’île patrimoine historique mondial.
Y séjournaient en permanence entre 150 et 200 esclaves. Le dos au mur, attachés au cou et aux jambes par des anneaux de fer scellés dans la pierre, ils n’étaient détachés qu’une fois par jour pour satisfaire leurs besoins. Les familles étaient systématiquement séparées : les hommes d’un coté, les femmes de l’autre et les enfants encore ailleurs. Ils ne portaient pas de nom mais un numéro matricule pour adopter ensuite le patronyme du propriétaire.
Le lieu de destination était bien entendu dicté par les besoins des acheteurs. Le père pouvait aller en Louisiane, l’enfant à Haïti et la mère au Brésil.
Leur valeur, leur prix étaient codifiés. Dans la chambre de pesage les hommes devaient atteindre un poids minimum de 60kgs. (nous verrons plus loin quel était le sort réservé à ceux qui ne les atteignaient pas malgré un gavage intensif avant leur vente). Les enfants étaient évaluées sur leur dentition et les femmes sur l’état de leurs seins : si ceux –ci étaient affaissés, signe d’une excessive maturité elle valait, ne valait plus grand-chose, sorte d’abattement après constat de la vétusté.
Sanctuaire de l’indicible douleur, sous le rose renaissance italienne les cellules vides résonnent encore à l’infini et pour toujours du cri de ses martyrs.
un homme libre devant la façade nord de la maison des esclaves